Charles Mouchet a été le directeur, mais surtout le principal instigateur, du mouvement JEUNE POÉSIE.
C’est là un prolongement logique de son oeuvre écrite. S’il s’est beaucoup interrogé sur le sens de la poésie (Le Mot Poésie, La Pensée poétique… ), Charles Mouchet a également questionné son rôle dans la société. D’où la nécessité d’aller à la rencontre d’autres écrivains et artiste, ainsi que d’un public plus large.
“Cette volonté de ne pas être civique
et local,
mais enraciné et humain,
largement humain.”
Au milieu du XXème siècle, des poètes prennent l’habitude de se réunir pour échanger leur passion: Claude Aubert, Willy Borgeaud, Gilbert Trolliet, Ludwig Hohl, Jean Hercourt, Louis Bolle, Jacques Urbain…
Le cercle prend bientôt le nom de JEUNE POÉSIE et s’ancre au Café des Armures, dans la vieille ville de Genève.
Viennent s'ajouter: Roland Brachetto, Gaston Cherpillod, Jacques Chessex, Vahé Godel, Jean-Georges Lossier, Albert Py, Jacques Chessex, Willy Borgeaud…
JEUNE POÉSIE accueille aussi des auteurs venus d’autres horizons comme Vincente Gerbasi, alors Consul du Venezuela à Genève, ou l’exilé espagnol José Herrera Petere.
Autour des poètes, gravitent d’autres talents: le critique Walter Weideli, l’auteur-compositeur-interprète, et plus tard cinéaste, Michel Soutter, les peintres Jean-François Liengme, Maurice Wenger et Pierre Vogel.
Cherchant le contact direct avec le public, JEUNE POÉSIE offre des récitals dans des cadres divers: Moulin à Poivre à Genève, Théâtre des Faux-Nez à Lausanne...
En 1953 les poètes décident de s’auto-éditer. une vingtaine d’oeuvres seront publiés, réparties en deux collections: “Cahiers” et “Échanges”.
Avant sa dissolution, JEUNE POÉSIE publie en 1967 une anthologie au nom homonyme. Elle est formée principalement d’inédits ou extraits d’oeuvre à paraître, montrant que l’élan n’est pas brisé et va au contraire continuer de résonner d’une autre manière. En 1980 parait d’ailleurs un autre recueil, RESSAC, édité par Régis Dupont avec une préface de Jean Starobinski.
Avant propos en forme de manifeste:
Pendant une quinzaine d'années nous avons tenté, par une série de publications accompagnées de récitals, de conférences, de préciser, à partir de données immédiates, le sens que prend aujourd'hui le mot poésie. Mieux: l'expérience poétique elle-même.
Conscients que cette expérience implique, en deçà de la parole, un lien avec la communauté humaine où elle se manifeste, et en un temps qui nous oblige à la reconsidérer dans ses fondements mêmes, c'est en étroite liaison avec cette réalité première — une ville, un pays et, surtout, les êtres qui les peuplent — que nous nous sommes efforcés de la poursuivre et de l'approfondir. Avec le ferme propos de rejoindre l'humain par nos moyens propres, en suivant nos propres chemins qui ne sont pas ceux des poètes français par exemple... Sans doute usons-nous de la même langue. Mais les préalables psychiques à cet usage, si on peut dire, et qui relèvent de l'histoire, des institutions, des mœurs, étant autres, c'est cette différence ou, si on préfère, cette nuance au sein d'une même communauté linguistique qui fait — et la plupart des écrivains figurant dans ce recueil le savent — la difficulté de l'entreprise en même temps que, en cas de réussite, son originalité!
Mais aussi, de par cette situation périphérique et comme en marge d'une littérature en expansion— ce fut longtemps le cas de la littérature française — situation liée pour nous à une recherche d'identité, sommes-nous mieux capables que d'autres, parfois, de sympathiser avec ce qui se passe dans certains secteurs de l'Europe et du monde où des hommes sont aussi à la recherche d’eux-mêmes ainsi que d'une nouvelle conscience de la relation humaine. Et cela, comme toujours, à partir de l'adversité ou du malheur: là-bas collectif, grave, le plus souvent, ou tragique; ici, dissimulé dans les replis des vies individuelles, sournois, rongeur, et qu'il faut découvrir sous une apparente prospérité, une certaine bonne conscience. Bref, sous ce qu'on vient d'appeler, avec la pointe d'ironie qui convient, « le bonheur suisse ».
Parvenus donc au terme, aujourd'hui, de notre activité et — qu'on nous passe l'expression — pour prendre congé par un hommage qui soit, en même temps, une ouverture sur l'avenir, nous avons cru bon de rassembler ici un certain nombre de textes — poèmes et proses, mais cela, déjà, ne fait plus
qu'un — dus à des auteurs étrangers, pour quelques-uns, à notre mouvement, très divers d’inspiration sûrement, mais qui nous apparaissent les plus efficaces et chez lesquels on distingue précisément cette volonté d'atteindre l'essentiel à partir de la réalité vécue, éprouvée et non en fonction d'une quelconque mode littéraire, fût-elle consacrée à Paris. Cette volonté, comme disait Pavese, qualifiant sa propre aspiration, de n'être pas civique et local, mais enraciné et humain, largement humain. Nous ajouterions: loin de toute rhétorique, de complaisance verbale ou d'attendrissement pour le « génie du lieu » dans l'expression de tout ce qui constitue, en nous et autour de nous, frustration, malheur, mutilation de l'être...
Si nous avons contribué par notre effort à stimuler un tel travail, à diriger l'attention de nos lecteurs sur le sens et la portée de ce travail, nous nous tiendrons pour quittes.
Publications de Jeune Poésie
Collection «Cahiers»
- POEMES VECUS, Jacques Urbain.
- LE MOT POESIE, Charles Mouchet.
- VIGNETTES, Willy Borgeaud.
- PAYS D'ENFANCE, Michel Soutter.
- DE L'ARVE A TOLEDE, José Herrera Petere
(traduction: Willy Borgeaud, Charles Mouchet).
- MORSURES, Vahé Godel.
- A LA CRAIE, Charles Mouchet.
- POUR SONGER A DEMAIN, J.P. Schlunegger.
- DE L'ARVE A TOLEDE (2e édition augmentée).
- CHANT DE PRINTEMPS, Jacques Chessex.
- SUR FOND DE GUEULES, Gaston Cherpillod.
- LA GUITARE ET LA TRACE, Marcel Costet.
- LA NUIT SUR LA VILLE, Albert Py.
- LA FOLIE ARLEQUINE, Roland Brachetto.
- PARLER SEUL, Francis Giauque.
Collection « Echanges »
- HACIA EL SUR SE FUE EL DOMINGO, José Herrera Petere (traduction : Lydia Kerr).
- GENEVE, (textes et dessins), Jeune Poésie.
- TERRES DE CENDRES, Claude Aubert.
- AEA, Urs Oberlin (traduction : Jean Hercourt).
- DEBRIS, Charles Mouchet.
- ENTRE L'ARVE ET LE RHONE, Vahé Godel.
- OLIVIERS D'ETERNITE, Vicente Gerbasi
(traduction : Claude Aubert).
- CE SILENCE DANS MOI, Roland Brachetto.
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