Charles Mouchet
Poète
1920-1979
"Poésie, je t'ai vue d'abord pâle reine dans le ciel que tu faisais trembler à petits pas cristallins, et l'oreille dressée j'essayais de te suivre au son; parfois à la trace, relevant des empreintes; mais, sauf ton image transparente qui reculait sans cesse, je ne trouvais rien. Pour te happer je me suis ensuite perdu dans des régions hostiles où se rabougrit toute une végétation de métal, sans hommes. Autour, terre et ciel s'y mêlent en brouillard. J'ai marché, marché, marché, mais tu fuyais, fantôme, mes os craquaient. Néant. Et j'ai compris, poésie, que tu étais mensonge.
(J'ai touché terre et la sève m'est revenue avec son goût de feuilles et d'écorce; le vin danse, les regards s'étoilent, et voici que sur le ciel noircissent de délicats feuillages, et que flambent des fenêtres.)
Poésie, alors, je t'ai trouvée dans les rues, tu avais le visage de la douleur et de la fièvre, je t'ai entendue auprès de vieux ivrognes qui lèvent tout d'un coup le poing dans la fumée, je t'ai vue espoir sur le front de jeunes gars, je t'ai sentie
dans le foin et la paille et dans l'odeur glauque du fleuve; je t'ai reconnue un soir d'août quand des hommes se battaient, et chaque fois qu'il y a guerre au mal je te reconnais, partout où des hommes travaillent et tiennent dans leurs mains ce qu'ils ont fait, partout où vivent des femmes et des hommes, des enfants, des bêtes et des cailloux. Et j'ai compris, poésie, que tu es vérité."
(J'ai touché terre et la sève m'est revenue avec son goût de feuilles et d'écorce; le vin danse, les regards s'étoilent, et voici que sur le ciel noircissent de délicats feuillages, et que flambent des fenêtres.)
Poésie, alors, je t'ai trouvée dans les rues, tu avais le visage de la douleur et de la fièvre, je t'ai entendue auprès de vieux ivrognes qui lèvent tout d'un coup le poing dans la fumée, je t'ai vue espoir sur le front de jeunes gars, je t'ai sentie
dans le foin et la paille et dans l'odeur glauque du fleuve; je t'ai reconnue un soir d'août quand des hommes se battaient, et chaque fois qu'il y a guerre au mal je te reconnais, partout où des hommes travaillent et tiennent dans leurs mains ce qu'ils ont fait, partout où vivent des femmes et des hommes, des enfants, des bêtes et des cailloux. Et j'ai compris, poésie, que tu es vérité."